Farid Boudebza va, dimanche contre Blois, mettre un terme à 27 ans de collaboration avec Salbris. Une longue histoire d'amour qui s'achève non sans un pincement au cœur.
Il dit ne toujours pas avoir réalisé. Il en éprouve de la peine à se projeter dans l'avenir, dans un autre club, avec d'autres dirigeants. « Mon téléphone est ouvert », se contente tout juste de murmurer celui qui restera quoiqu'il arrive une institution à Salbris. Pour comprendre la longueur de l'histoire d'amour, il n'y a pas d'autre mot, entre ce fils d'immigré né dans… le nord de la France, et l'AS Salbris, il suffit d'évoquer l'histoire récente. Deux septennats de Mitterrand, un septennat plus un quinquennat de Chirac, auxquels il faut ajouter une quinzaine de mois de l'ère Sarkozyste.

“ J'aime toujours autant le football, un peu moins ceux qui le pratiquent aujourd'hui. ”

« Monsieur » Boudebza se donne sans compter pour le foot salbrisien depuis 1981. Cela correspond à plus de 3.000 séances d'entraînement, par tous les temps, sans jamais en manquer une. « Lorsque je suis venu ici j'étais très ambitieux, je pensais entraîner à un niveau plus élevé, mais l'affectif à vite pris le dessus. » Le mot est lâché, les rapports que Farid a entretenus avec Michel Bonneau, dépassent les habituels liens entre président et entraîneur. Une relation qui va permettre au football salbrisien, mais aussi départemental, de vivre une période dorée. Six saisons en CFA 2, une vingtaine en DH, des exploits en coupe de France à répétition, des succès en coupes du Centre et de Loir-et-Cher. « Le 32e de finale contre Le Havre, une Ligue 1, en 1996 reste mon meilleur souvenir », arrive tout de même à dégager cet homme ô combien attachant et tellement passionné.
Il a des définitions bien à lui, des phrases chocs, qui n'ont pas toujours été appréciées par la jeune génération. « Vous, les jeunes qui sortez des centres de formation, plusieurs dangers vous guettent. La rupture des ligaments croisés, les adducteurs, sans oublier la boucle d'oreille et le portable », comme pour indiquer qu'il ne retrouvait pas la passion intégrale que la génération précédente manifestait à son sport favori. « J'aime toujours autant le football, un peu moins ceux qui le pratiquent aujourd'hui », dit-il encore comme pour marquer sa déception. Et il se fend d'un exemple frappant. « Jean-François Parent habitait Semoy dans le Loiret. Il ne manquait pas un entraînement, j'éprouve un respect énorme pour des gars comme ça. Aujourd'hui ceux qui habitent à la porte du stade ont toujours une bonne excuse pour ne pas venir régulièrement. »
Pourtant si l'on devait définir par un mot, ce ch'ti d'adoption, c'est tolérance vient de suite à l'esprit. Et il le prouve encore ces jours-ci. « J'en ai gros sur la patate, il va me falloir du temps pour que j'arrive à digérer. Mais je comprends parfaitement la décision du comité directeur et du président. Ils ont avant tout à penser à l'avenir du club, sans doute qu'à leur place j'en aurais fait autant. Mais je sais bien moi, que j'ai tout fait pour m'adapter à la nouvelle donne. Malgré tout il n'y a pas de secret, pour bien réciter la leçon le dimanche il faut l'avoir apprise en semaine. »
Un brin irritant lorsqu'il conseille ses protégés du banc de touche « ça, c'est la passion, c'est ma façon de continuer à être sur le terrain », c'est l'aspect courtois, affable, respectueux en toutes circonstances qui domine chez Farid, lui qui n'a jamais galvaudé le terme éducateur. Les arbitres peuvent en témoigner, si l'entraîneur de Salbris avait des remarques à formuler c'était toujours avec mesure, calme et respect. Une façon d'être qui ressort encore aujourd'hui lorsqu'il évoque son successeur. « Michel a fait le meilleur choix possible. Anthony Perreau a déjà coaché et il pourra ratisser des joueurs sur le vierzonnais. »
Préférant renfermer son amertume, Farid Boudebza veut une dernière fois privilégier l'avenir de son club. Chapeau bas !
Correspondant NR, Dany Chamfrault.